Premère sortie de nuit (mi-juillet 1961)

(Claude REYNES)
Je viens de prendre le commandement de la harka à Iffouralène. Je prépare ma première embuscade de nuit; discrètement, de jour, je repère un lieu de passage de fellaghas pas trop loin du poste : l’itinéraire, l’emplacement pour les hommes, etc.

Par une nuit noire, je pars avec deux équipes.
Je fais une première halte pour que la vue s’adapte à l’obscurité.
Mais la nuit la perspective n’est pas la même que le jour: pas facile!

Nous arrivons sur le lieu prévu pour l’embuscade.
A peine la première équipe mise en place, le caporal F* me dit : « Mon Lieutenant, ils arrivent, regardez». Moi je ne vois rien. Je me poste à côté du caporal; j’attends… « Mon Lieutenant, ils sont là, tout près, il faut tirer. ». Je d'éclanche les tirs…
Peu à peu les tirs cessent.
Long moment d’attente : aucun bruit.

Aucun rebelle ne semble atteint … Nous attendons…
 A mon commandement, le caporal F* a ouvert le feu : je ne suis pas sûr qu’il ait tiré dans la bonne direction !
F*, caporal harki  : homme intelligent et habile. Le Sergent-chef Dault m’avait fait part de ses doutes sur la ‘fiabilité’ de ce caporal. Pourtant, il fallait lui faire confiance... Quelques signaux lumineux dans le talweg : ce sont les fellaghas qui se repèrent !

Et voila qu’arrivent bruyamment une jeep et un GMC
Le Capitaine n’ayant reçu aucune réponse à ses appels radio croit que nous sommes tombés dans une embuscade et il vient très rapidement à notre secours !
Cette réaction spontanée du Capitaine est très compréhensible: en effet, l’embuscade de Bounekache est toute proche: elle a fait une douzaine de morts et traumatisé les hommes de la Compagnie!
Pourquoi notre ‘silence radio’ ?
En fait, le harki qui portait le poste radio avait manipulé les boutons de ce poste et changé de canal : notre poste n’était plus sur le bonne fréquence !
Ainsi s’est terminée ma première sortie de nuit avec les harkis.