Vie à Madkoura (Michel Salin)

Dès les premiers jours de mon arrivée à Madkoura, le Chef Briand m’a confié deux responsabilités... que j’ai assumées jusqu’au départ du poste de Madkoura: le service de garde et le foyer.
Service de garde
J’ai été chargé d’organiser les tours de garde. Tâche difficile, certes, mais qui m’a permis d’être très proche de chacun des membres du poste.En moyenne pour la garde de jour: 6 hommes; la garde de nuit est renforcée, plus un gradé: soit 18 hommes. Et un total de 24 hommes mobilisés chaque 24 heures!
Sachant que nous étions environ 35, que les cuistots, le radio et le Chef de poste ne participaient pas à la garde, nous devions 365 jours sur 365 monter la garde.
Très difficile pour organiser les sorties de nuit avec cet effectif ! Pratiquement tous les gars, chaque jour, une sortie plus ou moins importante et un tour de garde;
Gradé de quart: sergent, caporal, voire 1ère classe. Il assure une présence ‘éveillée’ dans la cour du poste et doit s’assurer que les sentinelles ne s’endorment pas. C’est parfois dur lorsqu’on a crapahuté toute la journée! L’été, cela pourrait-être agréable, mais l’hiver, à Madkoura, un vent très froid souffle et le gradé de quart est le bienvenu lorsqu’il apporte un café bien chaud aux sentinelles. J’ai de très bons souvenirs de discussions pendant la garde avec les FSNA; que de désillusions ont-ils dû avoir après l’indépendance! 
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Responsable du foyer
Novembre 60. Le foyer a un trou financier très important: la Compagnie ne veut plus nous livrer les boissons (bière). Le Chef Briand me confie la responsabilité du foyer; je mettrai tout l’hiver 60/61 à remettre les comptes d’aplomb. L’hiver, c’est surtout la Marie-Brizard qui se boit. Très souvent les ADL (les appelés) paient la tournée: je ne bois pas ma consommation; discrètement je la dissimule derrière le bar pour la servir au prochain client; je renouvelle cette opération plusieurs fois par jour (surtout le dimanche). Pour les plus endettés (3 ou 4 surtout), je demandais le lendemain de la paye de me régler un acompte au lieu d’offrir une tournée... J’ai toujours continué à m’occuper du foyer, ouvert une heure chaque soir. Enfin la caisse devient positive: elle a permis de servir un repas à tous (auquel je n’ai pas pu participer).
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L'intendance
Le cuistot ! Lorsqu’on y pense avec du recul, il avait beaucoup de responsabilités (nourrir 35 gars de 20 ans). Varier les menus jour après jour, prévoir et anticiper la cuisson, les pluches, etc. Au poste Madkoura, nous n’avons jamais utilisé de ‘rations alimentaires’ (celles-ci étaient employées sur le terrain lors des opérations) ; nous n’avons manqué de rien. Evidemment le thon à l’huile, les sardines, les pâtes, le riz revenaient souvent.
Grosse consommation de café que nous agrémentions de lait Nestlé sucré en tube, acheté au foyer.
Le pain était fabriqué 2 fois par semaine par Robert Mouillac et permettait d’assouvir la faim de certains.
Les pluches étaient faites dans la bonne humeur (Latissière et Doche toujours un peu récalcitrants!).
Les fruits. Non prévus dans les menus de l’armée ! A la bonne saison, notre ordinaire était amélioré par les fruits : oranges et figues en abondance dans ce secteur. Début 61 Tablit d’Imdra nous apportait des prunes.
Avril 61: Une mule au chargement trop important et mal arrimé a dégringolé dans un ravin ; trop blessée, nous l’avons abattue et avons décidé de récupérer de la viande pour améliorer l’ordinaire (les FSNA n’ont pas apprécié). C’est Bernard Gilard qui a débité la bête; le chef Briand a dû s’expliquer sur la perte de cette mule (compte rendu très détaillé, identification) et sans doute certifier qu’elle était «perdue et irrécupérable» !
Colis. Nous avons reçu de nos parents des colis de denrées non périssables que nous partagions (l’armée nous fournissait des ‘bons’ pour que nos parents nous envoient des colis sans frais postaux; notre courrier était aussi en ‘franchise postale’).
Le vin. Le vin fourni par l’intendance n’était pas de bonne qualité; en ‘fin de vie’ il piquait et beaucoup préféraient boire de l’eau.